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LA RAGE DES CHIROPTERES EN FRANCE
ACTUALITES ET IMPORTANCE EN SANTE PUBLIQUE


Y. Rotivel, M. Goudal, H. Bourhy, H. Tsiang
Centre National de Référence pour la Rage, Unité de la Rage, Institut Pasteur.

L’enzootie rabique en France

De 1968, date de l’introduction de la rage vulpine en France, à 1989, le front de la rage des animaux terrestres non volants, dont le vecteur est le renard, a avancé en direction du Sud et de l’Ouest à la vitesse d’environ 40 Km par an, englobant le quart Nord-Est du territoire français. Le programme de vaccination orale de la faune sauvage a débuté en France en 1986. Le largage d’appâts vaccinaux réalisé par hélicoptère lors de deux campagnes annuelles a entraîné une diminution spectaculaire du nombre de cas à partir de 1989 (Figure 1). Les derniers cas de rage autochtone dus au virus vulpin ont été diagnostiqués en 1998 en Moselle. Il s’agissait d’un renard et d’un chat, à la frontière de la Sarre. En conséquence, l’arrêté " abrogeant la liste des départements déclarés atteints par la rage " a été signé le 30 avril 2001. Depuis 1998, seuls des chiroptères ont été diagnostiqués enragés en France. L’émergence de la maladie chez les chiroptères, alors qu’elle a disparu chez les renards, pose de nouveaux problèmes de santé publique.

Figure 1 - Rage animale en France de 1968 à 2000

Source : AFSSA Nancy, Bulletins Epidémioligiques Mensuels sur la Rage Animale en France de 1968 à 2000.

La rage des chiroptères

La rage des chiroptères est due à plusieurs virus de la famille des Rhabdoviridae, genre Lyssavirus (tableau 1). Le genre Lyssavirus comporte à ce jour sept génotypes ou espèces dont six ont été isolés chez les chiroptères. Tous, sauf le virus Lagos Bat, ont été isolés dans l’espèce humaine. Il existe en Europe deux espèces de Lyssavirus infectant spécifiquement les chauves-souris : European Bat Lyssavirus 1 et 2 (EBL 1 et EBL2). L’épizootie chez les chiroptères apparaît largement distribuée et dispersée géographiquement en France et en Europe. Le cycle de la rage des chauves-souris est indépendant du cycle de la rage des carnivores. Cependant, le passage à des espèces d’animaux non volants est possible. A ce jour, 3 moutons sont morts d’une rage due à EBL 1 au Danemark en 1998 [1, 2]. En France, de 1989 à ce jour, 10 chauves-souris autochtones ont été trouvées porteuses du virus EBL1. Aucune chauve-souris porteuse du virus EBL2 n’a été retrouvée en France à ce jour.

Tableau 1 - Famille des Rhabdoviridae, genre Lyssavirus


Les chiroptères en captivité posent également des problèmes de santé publique. Deux exemples récents en Europe et en France en sont l’illustration. Le premier exemple est fourni par la mise en évidence du virus de la rage chez des chauves-souris dans une colonie de Roussettes d’Egypte d’un zoo danois. Ces chauves-souris provenaient d’un zoo néerlandais. L’analyse des chauves-souris de la colonie initiale aux Pays-Bas a montré un diagnostic positif en immunofluorescence chez 13 % des animaux.

De plus, en 1999, une chauve-souris frugivore, Roussette d’Egypte, importée en France via la Belgique, a été trouvée porteuse d’un virus Lagos bat. Cet animal est décédé dans un tableau d’encéphalite évoquant la rage. Le diagnostic était positif en immunofluorescence et par inoculation aux souris et aux cellules et le séquençage du virus a montré qu’il s’agissait d’un virus Lagos bat. Cent vingt traitements après exposition ont été pratiqués chez des sujets en contact avec cette chauve-souris. Il faut souligner que depuis, six autres chauves-souris de la même espèce et de même provenance ont été trouvées dans un magasin parisien. Le diagnostic de la rage pratiqué chez quatre d’entre elles s’est révélé négatif. Les deux autres animaux sont décédés rapidement après leur arrivée en France et leur cadavre n’a pas été disponible pour le diagnostic.

Conséquences de l’exposition aux chiroptères sur la santé humaine

Tous les Lyssavirus pathogènes chez l’homme provoquent des encéphalites d’évolution mortelle. En Europe, trois décès dus à une contamination par EBL1 et 2 (génotypes 5 et 6), ont été rapportés en 1985 (deux en Russie et un en Finlande). Aux Etats-Unis, des variants du virus de la rage circulant chez des chauves-souris ont été isolés dans vingt et un (58 %) des trente six cas de rage humaine survenus depuis 1980. Dans un seul de ces cas, une morsure de chauve-souris a été retrouvée dans les antécédents [4]. Il s’agit dans tous les cas de virus appartenant au génotype 1.

En France, le nombre moyen des sujets exposés à une chauve-souris autochtone et qui ont consulté un Centre de Traitement Antirabique est passé de dix-sept par an entre 1992 et 1996 à quarante après 1996. De plus en 1999, cent vingt personnes ont été exposées à la Roussette d’Egypte d’importation (Figure 2).

Figure 2 - Nombre de sujets exposés et traités à la suite d'un contact avec une chauve-souris
de 1992 à 2000 en France, et chauves-souris positives.


Source : Données des Centres de Traitement Antirabique publiées dans les bulletins sur l'épidémiologie et la prophylaxie de la rage humaine en France

L’exposition aux Lyssavirus des chauves-souris augmente lors d’activités qui rapprochent l’homme des chiroptères : soins, spéléologie…

Reconnaître l’exposition au virus des chauves-souris est parfois difficile [5]. Certaines études américaines ont fait état de la possibilité d’un passage transcutané des variants du virus de la rage circulant chez les chauves-souris. En fait, actuellement, il semble qu’il s’agisse le plus souvent de morsures passées inaperçues, car de petite taille, indolores et situées dans des zones comme le cuir chevelu ou les orteils. Les circonstances de la morsure peuvent dans certains cas suggérer la maladie chez la chauve-souris mordeuse. Un changement de comportement avec agression diurne et morsure tenace a été rapporté dans trois cas de chauves-souris positives trouvées en France.

L’infection par les Lyssavirus des chauves-souris semble pouvoir rester cliniquement silencieuse chez leur hôte habituel pendant longtemps [3]. A cette caractéristique connue pour les chauves-souris, s’ajoute la possibilité, dans l’espèce humaine, d’incubation de longue durée, vingt sept mois, mise en évidence récemment en Australie [6].

Les vaccins antirabiques à usage humain actuellement disponibles ne protègent pas, expérimentalement, contre les Lyssavirus autres que virus de la rage (génotype 1), EBL 2 (génotype 6), et Australian Bat Lyssavirus (ABL, génotype 7). Ils protègent partiellement contre EBL1 et ne protègent que peu ou pas du tout contre les virus Lagos Bat, Duvenhage et Mokola [4].

Conclusion

Des recommandations à l’usage du public, des médecins et des Centres de traitement antirabique ont été émises par le Comité Supérieur d’Hygiène Publique de France, de façon à limiter l’exposition du publique aux virus des chauves-souris. En complément des mesures individuelles, qui ont pour but, par l’information du public et du corps médical, de limiter l’exposition aux chauves-souris et, lorsque cette exposition survient de permettre une prise en charge correcte du patient, une adaptation des textes nationaux et européens est en cours. Il apparaît en effet nécessaire de prendre des mesures de quarantaine lors de l’introduction de colonies de chauves-souris dans des zoos. De plus, des mesures strictes sont à mettre en place de façon à limiter les possibilités de contact entre les chauves-souris et le public lorsque les animaux sont installés dans le zoo. En effet, il n’existe pas actuellement de diagnostic ante mortem de l’infection chez les chauves-souris cliniquement saines : la seule indication est la présence d’individus positifs pour EBL1, lors de l’autopsie, dans la colonie.

Les chauves-souris en provenance de pays tropicaux font partie des " nouveaux animaux de compagnie " (NAC). Il faut savoir que ces NAC sont les hôtes de nombreux virus qui peuvent passer dans l’espèce humaine à l’occasion de contacts parfois très proches dans les foyers. La législation française et européenne doit prendre en compte cette évolution du comportement vis-à-vis d’animaux sauvages de façon à limiter le risque de transmission de zoonoses dans l’espèce humaine.

 

Références

1 – Amengual B., Whitby J.E., King A., Serra Cobo J., Bourhy H. Evolution of European bat Lyssaviruses. Journal of General Virology 1997, 78, 2319-2328

2 – Müller W.W. Rabies in Europe-Epidemiological Cycles and the Impact of Oral Vaccination of Foxes. WHO Collaborating Centre for Rabies Surveillance and Research Rabies Bulletin Europe 2000, Vol 24/N°1/2000-12

3 - Van der Poel W.H.M., Van der Heide R., Van Amerongen G., Van Keulen L.J. M., Wellenberg G. J., Bourhy H., Schaftenaar W., Groen J., Osterhaus. A.D.M.E. Characterisation of a recently isolated lyssavirus in frugivorous zoo bats. Arch. Virol. 2000, 145, 1919-1931

4 – McColl K.A., Tordo N. , Aguilar Setien A. Bat Lyssavirus infections Rev. sci. tech. Off. int. Epiz. 2000, 19 (1), 177-196

5 – Feder H.M. , Nelson R. , Herbert W. Bat Bite ? Lancet 1997, 350 (9087), 1300

6 – Hanna J.N., Carney I.K., Smith G.A., Tannenberg A.E.G., Deverill J.E., Botha J.A., Serafin I.L., Harrower B.J., Fitzpatrick P.F., Searle J. W. Australian bat Lyssavirus infection : a second human case, with a long incubation period. MJA 2000, 172 (12), 597-599




LES DONNEES ACTUELLEMENT DISPONIBLES SUR LES POPULATIONS
DE CHIROPTERES AUTOCHTONES, LEUR SITUATION EPIDEMIOLOGIQUE
AU REGARD DE LA RAGE.


V.Bruyère-Masson*, L.Arthur **, J.Barrat*, F.Cliquet*

* AFSSA Site de Nancy - Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments - BP 9 54220 MALZEVILLE

** Société Française pour l’Etude et la Protection des Mammifères – groupe chiroptères - Museum d’histoires naturelles de Bourges 18000 BOURGES

INTRODUCTION

Les chauves-souris sont des mammifères insectivores volants, qui, en France, appartiennent toutes au sous ordre des microchiroptères. Elles représentent dans le monde environ le quart des espèces de mammifères connus. En France, on recense une trentaine d'espèces. Certaines sont fréquentes, comme la Pipistrelle commune (Pipistrellus pipistrellus ) qui, à elle seule, représenterait près des 2/3 des chauves-souris vivant en France, et que l’on estime à plusieurs dizaines de millions d’individus. Cependant la majorité des espèces de chauves-souris sont en baisse d’effectifs, en raison notamment de la modification des habitats naturels et des pesticides. Certaines, comme le Petit Rhinolophe (Rhinolophus hipposideros) ou la Barbastelle (Barbastella barbastellus) dont certaines sont devenues très rares et ont même disparu dans certaines régions. C’est la raison pour laquelle toutes les espèces de chauves-souris elles sont protégées. De ce fait, leur capture, transport, vente, achat ou destruction (...) sont interdits.

1) Données disponibles sur les populations de chiroptères autochtones

Selon les espèces, les chauves-souris vivent isolément ou en colonies de cinq à plusieurs centaines d'individus. Leurs habitats sont très divers. Chaque espèce occupe des gîtes privilégiés selon les saisons. Les colonies restent fidèles à ces gîtes parfois durant des décennies si elles ne sont pas dérangées.

La nature du gîte peut être une indication quant à l'espèce hébergée : ainsi le Murin de Daubenton (Myotis daubentoni) préfère les forêts près des plans d'eau ; les Sérotines communes (Eptesicus serotinus) affectionnent les greniers des maisons de village neuves ou rénovées ; les Pipistrelles communes (Pipistrellus pipistrellus), compte tenu de leur très petite taille (3 à 5 cm) se trouvent fréquemment dans les fissures des murs. En fait, certaines chauves-souris "vivent proches de l'Homme mais dans des mondes différents" (la Pipistrelle commune (Pipistrellus pipistrellus), la Sérotine commune (Eptesicus serotinus) et les Oreillards (Plecotus sp)) , tandis que d’autres vivent réellement loin de l’Homme.

Les chauves-souris ont des mœurs nocturnes et chassent principalement en vol mais parfois aussi à l'affût ou au sol. Ces animaux sont des spécialistes de la localisation acoustique aérienne ("écholocation"). Et Leur rôle dans la régulation du nombre des insectes est considérable. Leur tranquillité doit être respectée car elles n'ont d'autre système de défense que de s'abriter dans des gîtes inaccessibles aux autres espèces. Elles n'ont pas de prédateur "spécialiste". C'est indirectement l'agriculture moderne qui représente leur plus grand "prédateur". Leur espérance de vie moyenne est de 8 à 19 ans selon les espèces (8 ans pour la Pipistrelle de Kühl (Pipistrellus kuhlii), 19 ans pour le Murin à moustaches (Myotis mystacinus)). Après une gestation dont la durée est variable (de l’ordre de deux mois et demi environ), les femelles mettentbas un petit, rarement deux, généralement au mois de juin. Les naissances peuvent avoir lieu une année sur deux pour une même femelle, d'où la fragilité de nombreuses espèces de chauves-souris et la nécessité absolue de préserver leur habitat naturel et de ne pas les déranger notamment durant leur phase d'hibernation.

Les chauves-souris présentes en Europe sont soit migratrices soit sédentaires. Lorsqu'elles sont migratrices, leur présence en France n'est que saisonnière. Ainsi la Pipistrelle de Nathusius (Pipistrellus nathusii) vit et se reproduit en Europe centrale jusqu'à l'automne puis traverse la France pour se rendre en Espagne pour hiberner. Au contraire, la Sérotine commune (Eptesicus serotinus) et la Pipistrelle commune (Pipistrellus pipistrellus) sont des espèces sédentaires [1-2].

2) Situation épidémiologique des chiroptères au regard de la rage

2.1 Pathogénie et symptômes de la rage chez les chauves-souris

En Europe, la rage chez les chauves-souris est due à deux lyssavirus spécifiques European Bat Lyssavirus : EBL1 [European Bat Lyssavirus 1], le seul isolé à ce jour en France, et EBL2. Ces lyssavirus (EBL1 et EBL2) correspondent à des génotypes (respectivement 5 et 6) étroitement adaptés à leur hôte et difficiles à échanger d'une population à l'autre [3-5]. Ainsi la rage des chauves-souris européennes est totalement différente de la rage vulpine qui est due à un lyssavirus de génotype 1. Ce ne sont pas les

renards qui ont transmis la rage aux chauves-souris : Iil s'agit de deux phénomènes parallèles, totalement indépendants et qui évoluent différemment.

Sur le plan de la pathogénie, le virus rabique (EBL1 ou tout autre génotype) est retrouvé dans la salive de l'animal malade. La transmission à un autre mammifère est donc possible à la faveur d'un contact direct avec l'animal excréteur, la morsure représentant le risque de transmission le plus élevé.

Ainsi le risque de transmission de la rage par les chauves-souris aux mammifères terrestres semble très réduit*, d'autant que les chauves-souris insectivores ont un comportement ne les prédisposant pas à mordre. De plus, aucune contamination de carnivores sauvages ou domestiques par le virus EBL1 n'a été constatée en France et en Europe. Il semble que la contamination expérimentale ne soit effective qu'avec de fortes doses de virus EBL1 [6].



Les symptômes de la rage chez les chauves-souris ne sont pas univoques. Une chauve-souris enragée présente des anomalies du comportement, il est nécessaire de connaître le comportement normal d'une chauve-souris pour pouvoir caractériser cette anomalie, d'autant plus que chaque espèce a des mœurs bien différentes. La plupart des descriptions relatées concernent la Sérotine commune (Eptesicus serotinus) qui est très majoritairement l'espèce de chauve-souris atteinte par la rage. Les symptômes décrits sont : prostration, paralysie, cris inhabituels, difficulté à voler, impossibilité de s'alimenter. Jusqu'à présent, les chauves-souris découvertes enragées en France étaient des individus isolés. Le plus souvent, ces chauves-souris ont été trouvées au sol. Certaines étaient "coincées" dans des volets, ayant tendance à mordre. Trois ont effectivement mordu des personnes. Cependant il convient de relativiser l'interprétation de ces comportements ; toute chauve-souris capturée dans un filet, blessée ou ayant pénétré dans une habitation et ne trouvant plus la sortie, présente certains de ces comportements qui ne sont pas pathognomoniques.

2.2 La rage des chauves-souris en Europe

Depuis le premier cas de rage découvert sur chauve-souris en Europe en 1954, en Allemagne, environ 600 cas ont été répertoriés du nord au sud du continent. Après l'Allemagne, les pays ayant identifié la présence de lyssavirus chez les chauves-souris ont été chronologiquement la Yougoslavie, la Turquie, l'Ukraine puis la Grèce. Les premiers cas de rage de chauves-souris répertoriés au Danemark et aux Pays-Bas, qui sont actuellement les pays d'Europe les plus touchés, datent des années 1985-1987 (cf tableau 1), les pays du nord de l'Europe sont actuellement les plus touchés.

Tableau 1 - Déclaration des premiers cas de rage sur chauves-souris en Europe

Dans tous les pays d'Europe ayant organisé le recensement des cas de rage sur chauves-souris, l'espèce la plus touchée est la Sérotine commune (Eptesicus serotinus). Lorsque l'espèce a pu être déterminée, la Sérotine commune elle représente en effet 95 % des cas. Cependant d'autres espèces peuvent être touchées par le même lyssavirus et il est actuellement impossible de savoir quelle espèce de chauve-souris est à l’origine de cette contamination. Les cas exceptionnellement enregistrés sur des chauves-souris autres que les Sérotines communes en Europe et confirmés au moins deux fois ont concerné 8 Vespertilions des marais (Myotis dasycneme) aux Pays-Bas, en Allemagne et au Danemark, 5 Noctules communes (Nyctalus noctula) en Yougoslavie, en Ukraine et en Allemagne, 4 Murins de Daubenton (Myotis daubentoni) en Suisse, au Danemark et au Royaume-Uni et 3 Pipistrelles communes (Pipistrellus pipistrellus) en Allemagne et tout récemment en France.

Si le nombre de cas recensé en Europe était relativement réduit de 1954 à 1983 (de l'ordre de 1 à 3 cas par an), on a assisté en 1986 à une forte augmentation du nombre cas recensés, principalement dans les pays d'Europe du Nord (121 cas en 1986 et 141 cas en 1987). Depuis 1988, le nombre de cas de chauves-souris enragées recensé par an reste stable, de l’ordre de 10 à 50 cas annuels pour toute l’Europe de l’ouest et centrale. Actuellement, la situation semble équivalente à celle d’il y a 10 ans : en 2000, 33 cas de rage sur chauves-souris ont été recensés en Europe (10 en Allemagne, 7 en Pologne, 5 en France et en Espagne, 3 au Danemark et aux Pays-Bas). (cf. tableau 2)


Tableau 2 - Nombre de cas de rage chez les chauves-souris en Europe
(de 1985 à 1987 puis en 1999 et 2000)




2.3 La rage chles chauves-souris en France

La surveillance de la rage des chiroptères en France est coordonnée au niveau national par la Direction Générale de l’Alimentation (Ministère de l’Agriculture et de la Pêche) et l’AFSSA-Site de Nancy. Elle est organisée autour des Directions des Services vétérinaires et s’appuie sur le réseau très actif des chiroptèrologues bénévoles, notamment ceux membres de la Société Française pour l’Etude et la Protection des Mammifères. C’est grâce à cette collaboration que, Depuis 1989, 11 cas de rage sur chauves-souris** ont pu être recensés en France : 10 Sérotines communes et 1 Pipistrelle commune (cf figure 1). Le génotypage réalisé par l'Institut Pasteur (Paris, France) et le Veterinary Laboratory Agency (Weybridge, Royaume Uni) sur les souches isolées a montré qu'il s'agissait du génotype 5 (EBL1), spécifique des chiroptères européens.

L'étude de la localisation de ces cas de rage indique que (cf. figure 1) :

• Des régions indemnes de rage vulpine peuvent présenter des cas de rage sur chauves-souris, ce qui confirme l'indépendance de ces phénomènes.
• La découverte de cas de rage sur chauves-souris semble être corrélée avec la pression de surveillance exercée par les chiroptèrologues, la plupart adhérant à la société française d'étude et de protection de mammifères (SFEPM).

En France comme dans tous les autres pays d'Europe, c'est donc la Sérotine commune (Eptesicus serotinus) qui semble être l'espèce de chauve-souris la plus concernée par le phénomène de la rage à virus EBL1.

Figure 1 - Répartition des cas de rage sur chauves-souris en France




* En Europe, un seul épisode de transmission possible du lyssavirus EBL1 à des Mammifères terrestres a été suggéré. Le 24 août 1998, l’Institut vétérinaire du Danemark à Lindholm a diagnostiqué la rage sur un mouton issu d’un troupeau de 40 individus et a émis l’hypothèse d’une transmission par l’intermédiaire de chauves-souris. Le laboratoire de Weybridge, en Grande-Bretagne, a caractérisé la souche de type EBL1-a, identique à celle isolée sporadiquement dans la population danoise de chauves-souris. Deux autres moutons seraient morts de rage dans ce même troupeau. Cet événement unique en Europe ne s’est jamais reproduit.

** A ces cas de rage de chauve-souris autochtones, il convient d'ajouter pour être complet le cas de rage sur "la Roussette d'Egypte" déclaré en mai 1999 dans le Gard (cf. BEMRAF, Vol 29, n°4, 5, 6 avril, mai, juin 1999). Il s'agissait d'une chauve-souris exotique importée via une animalerie belge et atteinte dans son pays d'origine par la souche Lagos Bat.

REFERENCES

1. SCHROBER W., GRIMMBERGER E. Guide des chauves-souris d'Europe. Biologie - Identification - Protection. Delachaux et Niestlé : Paris, 223 p.
2. Plan de restauration des chiroptères, 1999-2003. C.P.E.P.E.S.C. Franche-Comté - S.F.E.P.M., 1999, 34 p. + annexes.
3. BRASS D.A. Rabies in bats. Livia Press : Ridgefield, Connecticut, 335 p.
4. AMENGUAL B., WHITBY J.E., KING A., SERRA COBO J., BOURHY H. Evolution of European bat lyssavirus. J Gen Virol 1997; 78:2319-2328.
5. McCOLL K.A., TORDO N., AGUILAR SETIEN A. Bat lyssavirus infections. Rev Sci Tech OIE 2000; 19 (1): 177-196.
6. SORIA BALTAZAR R., BLANCOU J., ARTOIS M. Etude du virus de la rage isolé d'une chauve-souris européenne (Eptesicus serotinus). Pouvoir pathogène pour les ovins et le renard roux. Rev Méd Vét 1988; 139 (7):615-621.

ADRESSES :

AFSSA site de Nancy, Laboratoire d’études et de recherches sur la rage et la pathologie des animaux sauvages
Domaine de Pixérécourt, BP 9
54220 Malzéville

Tel : 03.83.29.89.50

Institut Pasteur – Unité de la rage
25 - 28 rue du docteur Roux
75015 Paris

Tel : 01.45.68.87.55 ou 01.40.61.38.48

SFEPM (Société française d'étude et de protection des mammifères) siège social
SFEPM groupe chiroptère
CO muséum d'histoire naturelle
Parc St Paul
18000 Bourges

Tel : 02.48.65.37.34



AVIS DU CONSEIL SUPERIEUR D'HYGIENE PUBLIQUE DE FRANCE
DU 8 JUIN 2001 CONCERNANT LES RECOMMANDATIONS POUR LIMITER L'EXPOSITION DU PUBLIC AUX VIRUS DE LA RAGE DES CHAUVES-SOURIS

Le groupe de travail sur les maladies infectieuses de la section des maladies transmissibles du Conseil supérieur d’hygiène publique de France (CSHPF), après avoir analysé les recommandations émises au niveau international, en distinguant celles qui s’appuient sur des données validées et consensuelles, concernant les recommandations pour limiter l’exposition du public aux virus de la rage des chauves-souris,

Considérant que les données disponibles actuellement montrent :

• que l’épizootie chez les chiroptères apparaît largement distribuée géographiquement en Europe et que toutes les régions en France sont potentiellement infectées par deux variants a et b des virus EBL1 et 2,
• que le cycle de la rage des chauves-souris est indépendant du cycle de la rage des carnivores mais que le passage aux mammifères terrestres est possible et qu’en Europe, à ce jour, 3 cas humains ont été rapportés en 1985,
• que l’infection par les Lyssavirus des chauves-souris semble pouvoir rester cliniquement silencieuse chez leur hôte habituel pendant longtemps (jusqu'à 27 mois dans un cas),
• qu’un changement de comportement (agression diurne) peut suggérer la maladie chez la chauve souris, mais que reconnaître l’exposition est parfois difficile (morsures passées inaperçues),
• que l’exposition aux Lyssavirus des chauves-souris augmente lors d’activités particulières telles que la spéléologie ou les activités de plein air,
• que l’importation de chiroptères infectés par des Lyssavirus, (EBL1 et Lagos Bat) a été récemment rapportée en Europe bien que les chauves-souris sauvages soient des animaux protégés,
• que des études montrent que les vaccins et les immunoglobulines disponibles actuellement sont efficaces sur les souches de virus des carnivores terrestres, qu’ils sont moins efficaces sur les souches de virus des chiroptères européens et pas sur les souches de virus des chiroptères africains Lagos Bat, Duvenhage et Mokola (en dehors de la souche PV sur Mokola),
• que les missions des Centres de Traitement Antirabique sont définies par des textes officiels,

La section des maladies transmissibles du Conseil supérieur d’hygiène publique de France émet l’avis suivant :

Il est nécessaire de limiter l’exposition du public au virus de la rage par une information sur la maladie (épidémiologie, modes de contamination, traitements…) auprès du public et des professionnels, par la mise à la disposition de produits biologiques efficaces, et par des mesures réglementaires d’importation.

SUR L’INFORMATION :

• l’information de la population, réalisée de la façon la plus large possible, sur la rage des chiroptères en Europe doit lui permettre :

- d'éviter tout contact direct avec les chauves-souris, notamment celles qui se laissent approcher, et de prendre des mesures de protection si ce contact est nécessaire,

- en cas de morsure de nettoyer et brosser soigneusement et complètement la plaie avec du savon de Marseille, de rincer abondamment à l’eau, puis d'appliquer un antiseptique iodé ou ammonium quaternaire, puis de consulter rapidement un médecin, en vue de contacter le centre de traitement antirabique le plus proche,

- pour les voyageurs ou personnes vivant à l’étranger, outre les recommandations précitées, de ne pas rapporter illégalement des spécimens de chauves souris.

• l’information du corps médical doit être la suivante : en cas de morsure, griffure, léchage ou contact avec un animal suspect :

- appeler le Centre de Traitement Antirabique le plus proche.

- vérifier le nettoyage de la plaie et le compléter si nécessaire (savon de Marseille), bien rincer avant d’appliquer l’antiseptique et vérifier l’immunité antitétanique.

- prescrire une antibiothérapie si nécessaire (cyclines, ampicillines associées ou non à un inhibiteur des bétalactamases).

• l’information des Centres de Traitement Antirabique doit être la suivante :

-prescrire un traitement après exposition si nécessaire. Dans les cas d’exposition à une chauve-souris, les immunoglobulines seront indiquées plus largement que lors de l’exposition à un carnivore terrestre du fait de la diversité antigénique des Lyssavirus des chauves-souris.

-rappeler au patient que l’animal ou son cadavre doit être adressé au Directeur des Services Vétérinaires du département pour diagnostic de la rage.

-consulter le Centre National de Référence pour la Rage, le cas échéant.

SUR LA MISE A DISPOSITION DE PRODUITS BIOLOGIQUES EFFICACES

• la mise à disposition des Centres de Traitement Antirabique d’un stock de produits biologiques (vaccins et immunoglobulines) efficaces contre EBL1 et 2 ainsi que contre les Lyssavirus d’origine africaine est nécessaire.
• des études complémentaires sur l’épidémiologie, l’efficacité des vaccins et des immunoglobulines sont à promouvoir.

SUR LA LIMITATION DES IMPORTATIONS DES CHAUVES SOURIS

• l’importation de chauves-souris en provenance de pays tiers doit être proscrite, à l’exception de celles à but de recherche scientifique ou garantissant une quarantaine permanente des animaux.

(Cet avis ne peut être diffusé que dans son intégralité, sans suppression ni ajout.)

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